QUEL EFFET DU COVID SUR LA PEREMPTION DE MES PERMIS
Encore un effet collatéral du Covid : en 2020, plusieurs arrêtés ont été pris dans le pays pour prolonger une série de délais administratifs, notamment relatifs aux permis d’urbanisme. Ceux-ci prolongent-il le délai de “mise en oeuvre” dans lequel les travaux doivent être démarrés? Attention, le raisonnement est un peu juridique…
En région bruxelloise, par arrêté de pouvoirs spéciaux n°2020/001 du 2 avril 2020, le Gouvernement a décidé :
art. 1er. Les délais de rigueur, les délais de recours et tous les délais dont l’échéance a un effet juridique fixés par les ordonnances et les arrêtés de la Région de Bruxelles-Capitale ou fixés dans les actes pris en vertu de ceux-ci, ainsi que les délais de rigueur, les délais de recours et tous les délais dont l’échéance a un effet juridique fixés par les lois et arrêtés royaux relevant de la compétence de la Région de Bruxelles-Capitale sont suspendus à partir du 16 mars 2020 pour une durée d’un mois prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel ledit gouvernement en justifie la nécessité au regard de l’évolution des conditions sanitaires.
Les actes et décisions pris durant cette période de suspension sont pleinement valides.
Les actes et décisions dont la durée de validité échoit durant la période énoncée au premier alinéa ou dont la prolongation dépend d’une formalité devant être accomplie durant la période énoncée audit alinéa, sont réputés prolongés d’une durée équivalente à la durée de suspension.
Il nous revient que certains considèrent que cette suspension ne s’applique pas au délai de péremption des permis d’urbanisme. Nous ne sommes pas de cet avis…
Péremption et validité d’un permis
Pour rappel, un permis d’urbanisme doit être mis en œuvre dans les deux années de sa délivrance (ce délai peut être prolongé dans certaines circonstances, à la demande du titulaire du permis).
Sauf quelques exceptions prévues par la loi (art. 102 CoBAT), un permis d’urbanisme n’a ensuite pas de délai de validité. Il s’agit en effet d’un acte ayant une durée illimitée.
Le délai de péremption est un délai qui a pour effet de mettre anticipativement fin à cette validité du permis d’urbanisme si les travaux n’ont pas été mis en œuvre à son échéance. Si les travaux ont été démarrés dans le délai de péremption, l’exécution du permis peut être poursuivie sans plus être remise en cause.
A ce titre, le délai de péremption est bien un « délai dont l’échéance a un effet juridique fixé par les ordonnances » au sens de l’alinéa 1er de l’art. 1er ci-dessus.
Dans un premier avant-projet d’arrêté, la disposition ne visait d’ailleurs que les « délais de rigueur et de recours ». C’est en constatant la volonté du Gouvernement de viser le plus largement tous les délais que le Conseil d’Etat a suggéré d’ajouter « …et tous les délais dont l’expiration a un effet juridique » (Section de législation du Conseil d’Etat, avis n°67.146/1 du 27/03/2020, p. 12).
Viser le plus largement les délais de rigueur par cet effet de la suspension est donc conforme avec les intentions du Gouvernement, dans l’intérêt même avoué de l’administré.
Prolongation des permis à échéance
L’alinéa 3 du même article ne s’applique pas spécifiquement aux délais, mais bien aux « actes et décisions dont la durée de validité échoit durant la période énoncée ». C’est l’acte limité qui est ici visé.
Il s’agit précisément des situations où des actes (le permis, donc) arrivent à échéance durant la période de suspension. Ce ne peut être le cas d’un permis d’urbanisme, dont la durée est illimitée. Cet alinéa 3 vise donc, en matière d’urbanisme et d’environnement, les permis d’urbanisme à durée limitée et les permis d’environnement (dans leurs délais de validité uniquement).
Et en Région wallonne ?
La situation est très proche :
L’arrêté de suspension n°2 du 18/03/2020 pris en Région wallonne est d’ailleurs libellé de manière similaire en ce qu’il vise « Les délais de rigueur et de recours fixés par les décrets et règlements de la Région wallonne ou pris en vertu de ceux-ci ». Il est considéré à ce titre que « les délais de péremption des permis d’urbanisme et d’urbanisation […] étant des délais de rigueur, ils sont concernés par l’application des arrêtés de pouvoirs spéciaux » (T. Wimmer, « Covid-19 et impacts en matière d’urbanisme et de fiscalité communale », Forimmo, 2020, p. 8).
Rappelons enfin que le Conseil d’Etat considère que « lorsqu’aucune des deux interprétations possibles d’un texte légal ne s’impose d’évidence, il y a lieu d’adopter la position la plus favorable aux administrés, autrement dit, celle qui limite le moins la libre disposition de leurs biens ». Cette jurisprudence s’applique ici avec d’autant plus de pertinence que la situation à laquelle tant le citoyen que l’administration sont confrontés est exceptionnelle et qu’une interprétation plus restrictive n’apporte aucun intérêt pour aucune partie.
Tous les permis délivrés avant le 16 mars 2020 et non encore mis en œuvre disposent donc d’un délai de péremption prolongé de trois mois. Il faut néanmoins être prudent : certaines administrations n’ont pas encore pris position sur cette question, et il convient donc de s’assurer qu’elles s’accordent avec ce raisonnement.